Une fois toutes les deux semaines, j'ai l'habitude d'aller rendre visite à ma grand-mère en banlieue parisienne. Je lui tiens compagnie, elle me prépare de bons petits plats, je lui raconte les rebondissements de ma vie amoureuse, elle me donne son avis, je regarde des émissions à la télé avec elle avant qu'elle ne s'endorme sur le fauteuil et que j'en profite pour mettre un DVD… Et si ses défauts de grand-mère ont vite tendance à me faire perdre patience, j'aime discuter avec elle. Cela me fait réfléchir sur ma vie, ma vision des choses, et m'aide à relativiser. Parfois, elle me parle de son histoire avec mon grand-père, qui est décédé il y a 13 ans. Vision old school des relations amoureuses, pas forcément plus romantiques ni plus satisfaisantes que celles de maintenant, mais néanmoins plus stables et durables. A chaque fois qu'elle me parle de lui, je devine la nostalgie qui se cache derrière ses yeux brillants, et j'entends la douleur de sa perte dans sa voix. Et je me demande : comment peut-on survivre au décès de la personne qu'on a aimé toute sa vie? Comment trouver les mots pour lui répondre sans dénigrer sa douleur ni une relation dont j'ai à peine été le témoin? Depuis 13 années, elle vit dans l'appartement et la ville qui contiennent la plupart de ses souvenirs avec son mari. Dormir dans le même lit sans la personne, dîner à la même table en face du vide, marcher dans la rue sans pouvoir s'appuyer à son bras.
